Adhésion du Consensus à l'alliance Blue Nation

Sur Portance, le soleil ne se couche jamais. fëagaer ne peut s'empêcher de ressasser encore et encore, les mêmes pensées. Il se couche, se lève, normalement en fait, mais impossible de s'en apercevoir. Le ciel ne perd son bleu chatoyant que lors des épisodes pluvieux. Mais la lumière ne disparait jamais complètement. Et les étoiles... Combien d'années, de siècles, qu'il n'a pu contempler les étoiles ? Il n'en a aucune idée d'ailleurs. Les années ont perdu toute signification depuis qu'il, si longtemps auparavant, a du abandonner son monde. Son monde... Pourra-t-il, un jour, retrouver un véritable foyer, après ces années innombrables d'exil ? fëagaer l'espère. De tout son cœur. Espère que sous peu, son vœu le plus cher sera réalisé.

Il espère retrouver sa vie d'antan. Celles où, sur la Terre, ou sur une des Terre, comme il l'a appris par la suite, s'écoule des jours heureux, où les jours font des mois, où les mois font des années. Même s'il sait que ce monde, maintenant si proche, si tangible, ne sera jamais comme avant... fëagaer regrette les montagnes, leurs cimes, leurs glaciers. Il regrette les couchers de soleil, miroitant dans toute leur rougeur, il regrette les lacs cristallins, miroirs des aiguilles inatteignables, il regrette sa vie d'antan.

fëagaer est reconnaissant au Consensus MatinLumièreMontagne. Pour tout ce qu'il a fait. Pour l'avoir compris. Mais surtout, fort de cette compréhension, pour ce qu'il a décidé de faire. Sous la lumière éternelle de Portance, fëagaer regarde sa famille s'embarquer sur le Destinée, sa vénérable nef. Il a choisit le crépuscule pour partir. Même s'il n'en a pas vu depuis tant d'années, le symbole reste encore fort. Le crépuscule de son peuple. Les leçons à retirer pour repartir d'un meilleur pas.

Bientôt, il foulera de ses pieds un nouveau monde. Celui que le Consensus, conscient du malêtre de fëagaer et des siens, a choisi pour eux. Vraiment, le Consensus a été bon avec eux. Un monde, une promesse d'amitié éternelle, ou du moins, c'est comme ça qu'il le comprend. Il ne sait pas pourquoi il place en le Consensus une telle confiance. MatinLumièreMontagne a toujours été bon, et il n'est pas humain. fëagaer espère, croit en lui, il n'a plus que ça.

Et au plus profond de lui, il en est sûr, le Consensus tiendra ses promesses. D'ici quelques mois, lui et ses proches s'installeront sur Alpine, le monde que le Consensus leur a choisit. Et qu'il a nommé, en hommage à sa vie précédente. Avec un jour, une nuit, des étoiles. Avec le Consensus, mais sans son omniprésence. Et en retour, ambassadeur du Consensus MatinLumièreMontagne au sein de la Blue Nation, qu'il ne connait pas, mais en qui le Consensus place sa confiance, ou quelque chose approchant.

fëagaer a hâte. Il lance un dernier regard, un au revoir ou un adieu, à Portance, ce monde du Consensus. Dehors, au travers de la baie vitrée, l'air crépite d'arcs d'électricité tandis que le sol s'éloigne. Il est heureux, ils partent. Vers le nouveau monde. Très vite, ils sont dans l'orbite. Les tuyères commencent à cracher leur feu droit sorti de l'enfer. Le départ, enfin. Le renouveau. Dans son for intérieur, tout en sachant la futilité de la chose, il fait une prière au Consensus. Qu'il réussisse son idéal d'harmonie.

November marchait paisiblement dans les quartiers politiques de sa Nation, une bouteille à la main, cherchant âme qui vive, ou âme qui vagabonde ou... Son destin. Les couloirs étaient vides, et le bar était à l'abandon, remplacé par celui qui était plus visible, au centre du territoire Blue disponible à tous. Il ne sait pas vraiment pourquoi il est présent en ce lieu très souvent à l'abandon. Peut être le silence qui y règne, la tranquillité, et la fraicheur des murs de marbre qui laissent filtrer parfois quelques brises fraîches. Il se sent bien en ce lieu où la solitude est offertes aux esprits libres. Il ferme les yeux, ravale une dernière gorgée de son alcool ramené d'une très ancienne planète... Sa dernière bouteille, de ce temps révolu.

Tandis que November s'adosse à un mur pour contempler le plafond étincelant de lumières bleuâtres, il perçoit un son. Qu'est-ce ? Qui oserait perturber le silence de cette sublime scène architecturale ? Un grattement d'une plume sur un papier ancien. C'était cela. Il vît alors une plume rédiger un formulaire, au bureau le plus proche. Il s'approcha et se permît de se saisir du formulaire, une fois achevé. Il lut attentivement l'histoire mélancolique d'un être. Une histoire pleine d'espoir et pleine de désespoir. Il ne sût comment réagir. Alors il ôta son capuchon, laissant son défiguré visage à la vue de celui qui se tenait devant lui. Et il prît la parole.


" Cela faisait longtemps que ce lieu n'avait été rempli. Soit le bienvenue ici bas. Tu cherches un foyer, et nous t'accueillerons durant le temps nécessaire à ton bien être. Mes camarades empliront ces lieux, et l'assemblée décidera de l'aboutissement de ta requête. Quoiqu'en sera le résultat, ces lieux t'accueilleront. Quant à moi, membre de la Blue Nation, je poursuis ma route et te souhaite bonne fortune sur la route toute tracée de ta destinée... "


Sur ces paroles, il remît son capuchon, comme pour retourner à son anonymat. Il soupira, tenta d'ingurgiter les dernières gouttes inexistantes de whisky qu'il tenait dans sa main, et finit par poursuivre sa marche lente et monotone. Mais il n'était pas indifférent à cette étrange rencontre. Il se tourna vers une ombre qu'il était le seul à voir. Une illusion peut être, mais il lui parla.


" Il a l'air bien. Toi aussi tu l'as entendu hein... La mélancolie qu'il dégage. Il a un passé, il a quelque chose à nous apporter. Allons-y. Allons nous faner un peu plus loin et laissons l'espoir pénétrer notre Nation. Suis moi... "

fëagaer ne comprend pas. Il tourne, et retourne dans son esprit, le déroulement des derniers jours, et ne parvient pas à trouver un fil logique. Sa mission, ou ce qu'il croit être une mission que lui a confié le Consensus. Le retour parmi les étoiles déjà, qui lui remémore tous ces moments de leur grande errance. Son vaisseau, le Destinée, n'a pas changé. Pourtant, il n'était plus le même. L'odeur des métaux lourds, des huiles, qu'aucun cloisonnement n'avait à l'époque pu totalement empêcher, a été remplacé par un autre parfum, plus subtil. Celui de l'espoir. L'appréhension, elle aussi, a disparu. Il commence à comprendre. Tout est affaire de confiance. Cette fois, le vol interstellaire ne lui fait pas peur. Il y a tant à gagner, et rien à perdre !

Il a suivi les coordonnés à la lettre, et la planète Blue est en vue. Elle porte bien son nom vue du ciel, sa surface visible presque entièrement recouverte par les eaux. Sous la masse nuageuse également, les relents de ses connaissances passées, son instinct, tout lui souffle que ce monde est un monde maritime. Aucune trace de la présence du Consensus ici, et pourtant ! Le premier mystère. Destinée, dont il a demandé l'arrêt des réacteurs principaux, entre dans l'atmosphère de son plein gré, en douceur. Autour de lui, les mêmes phénomènes électriques que sur Portance recommencent leur envoutant ballet.

Un mystère. fëagaer le jurerait, rien n'a changé dans la structure physique de son vaisseau. Quelle importance après tout ?! L'altitude tombant, il commence à distinguer une cité. Disparate, et pourtant harmonieuse. Aucune des immenses tours si courantes dans les cités humaines. Des bâtiments, d'inspiration diverses, émanant toutes de représentations qu'il a connu dans son ancienne vie, constate-t-il tandis que la nef en descendant lui donne de plus en plus de détails. Ici, un type de pagode, là, un quartier de maisons provençales... Celles-ci lui sont vraiment familières, il lui arrivait jadis fréquemment de se rendre dans ces villages.

Destinée se pose enfin, au milieu d'un grand champ. Nulle trace des brulures dues aux réacteurs d'autres vaisseaux, qui rendent improbable le choix d'un tel terrain pour l'arrivée des flottes spatiales. Et pourtant... A peine un pied hors du vaisseau, que fëagaer est interpellé par un homme à l'air paisible. "Bienvenue en terre Blue visiteur, veuillez me suivre jusqu'à l'ambassade où nous accueillons usuellement nos rares visiteurs." Il ne se pose pas de question, et suit ce guide.

Jusqu'à un bâtiment, dont on n'imaginerait jamais qu'il puisse être l'ambassade, avec toute la lourdeur administrative qu'implique généralement ce terme. A l'intérieur, deux ou trois personnes examinent des dossiers en souriant, tandis qu'un autre leur amène une tournée de café. Le guide ouvre un bureau, invite fëagaer à entrer. Contre toute attente, le suit, s'assied derrière le bureau en bois massif, et fait signe à son "invité" d'en faire de même.

Cet accueil chaleureux ne semble pas banal à fëagaer. Etrange même. Toutefois, il garde en tête ce qu'il amène ici. S'il ne peut faire confiance, plus rien ne mérite alors d'être vécu. garder foi, garder foi en les hommes, et surtout, en la vie. S'il se trompe, tant pis, la suite n'a que peu d'importance. Après un petit silence à chercher ses mots, il commence à exposer les raisons de sa venue, un peu hésitant.

La révélation fit un choc à fëagaer, eux, qui avaient découvert le Consensus totalement par hasard... Une alliance si puissante de peuples que lui avait décrit celui-ci, telle que la BlueNation, connaissait son existence et pourtant ne s'était jamais rendu sur les mondes du Consensus ? Il digéra cette tirade, avant de reprendre :

November se sentait à l'étroit dans la vaste salle de l'assemblée. Il se sentait obligé de laisser ses balafres visibles à tous. Il pensait que qu'ôter sa capuche était un signe de respect envers les Blue, mais il savait au fond qu'il n'aimait pas ça. Alors pour se changer les idées, il lança un pari à Scorpio, le fidèle insecte de la Blue...

" Je te paris 100K que j'arrive à rembourrer le mini short du bleu juste avec les billets que j'ai dans ma poche ! "

Et touts deux se mirent à vider leurs poches... A la bonne grâce de leur mascotte.
Haldrick les regardait touts deux réaliser leurs enfantillages, prêt à les frapper avec sa canne à tout instant...

C'est alors que Mildread pénétra dans la salle, accompagné d'un étrange candidat. November se leva et se tourna vers le Trium.

" On avait pas dit qu'il y aurait des strip-teaseuses à la réunion ? C'est qu'avec les copain on s'disait... Comme ça dur un peu longtemps... Déjà qu'y pas d'alcool alors..."

Les trois hommes soupirèrent et annoncèrent alors l'ouverture de la candidature...

fëagaer se sentait mal à l'aise, tous ces regards braqués sur lui... Lui qui n'avait plus de contacts depuis des siècles avec son espèce, hormis les siens, qu'il connaissait et qui le connaissaient jusqu'au bout des ongles, cette impression d'être jugé, observé, analysé, lui faisait froid dans le dos. Et même l'ambiance détendue -il n'avait pu ne pas remarquer le manège de certains des individus autour de la table- ne réussissait à empêcher sa gorge de se serrer. Mais qu'allait-il donc pouvoir leur raconter ? Pourquoi était-il là d'ailleurs ? Il commença une tirade qu'il espérait ordonnée :

November alluma une cigarette, un produit manufacturé antidépresseur qu'il avait ramené de sa planète natale, dans une galaxie lointaine... A chaque fois qu'il en allumait une, les regard furieux se tournaient vers lui. Il regarda alors Scorpio, qui se fit une joie de l'accompagner dans cet acte méconnu des vivants sur Io.

C'est alors que, soupirant sa première bouffée de fumée toxique, il prît la parole. Peut-être ces mots relâcheraient la tension régnante dans la salle, et décontracteraient leur invité.

" Yop yop petit d'homme, j'te sers un verre ? "

Malheureusement l'effet attendu à la base ne fût pas atteint. Les regards se tournèrent de nouveau vers lui et un silence pesant se mît en place au coeur de l'assemblée.

" Nan j'sais pas... Il a l'air d'apprécier l'eau... Mais faut le dire, on a bien plus de whisky en réserve que l'on a d'eau potable.... ! "

Certains soupirèrent, d'autres se retinrent de glousser... Alors avant de sortir, November annonça:

"Bon, l'étranger, moi je t'aime bien, tu parais fortement apprécier et manier notre douce langue natale, et ça m'plaît. J'vais les laisser délibérer avec toi, moi j'ai fais mon choix. November... OUT !"

Et il disparu de la salle, en titubant.

Tous les regards étaient rivés sur fëagaer, après la sortie de November. Celui-ci, mal à l'aise toujours, essayait tant bien que mal de se tenir droit et fier, encore qu'il ne sut trop quelle attitude le Consensus attendait de lui. Le seigneur qui se faisait appeler Jercom rompit le pesant silence :

Sur cette sortie, l'ensemble des Blue se mirent à rire, tandis que celui-ci se réveillait en sursaut

Et fëagaer s'assit parmi les autres sans plus de cérémonie. Son nouveau monde attendrait.